L’assassin à la pomme verte, Christophe Carlier.


René Magritte, Le Fils de l'homme.

René Magritte, Le Fils de l’homme.

 

FRENCH ONLY:

 

Aaah. J’aime lorsque ma mamie est convaincue que le dernier Amélie Nothomb s’appelle L’assassin à la pomme verte alors qu’il s’agit en fait d’un roman recommandé par celle-ci. C’est donc par ce hasard le plus concret que je me suis retrouvée à lire ce petit roman (le premier de l’auteur Christophe Carlier) .Le titre ne laisse personne perplexe. On voit là une référence au tableau de René Magritte (et à ses peintures en général). Si au premier abord ce roman est un polar : un homme d’affaire italien quelque peu Don Juan et arrogant est tué  dans un grand hôtel parisien (Le Paradise, au nom doucement ironique vu ce qu’il s’y passe) et nous examinons le lieu et ses passants à travers les yeux de trois narrateurs différents. Craig,  anglais vivant aux USA et féru de littérature française, un homme cynique, détaché du monde, brillant et impulsif, Elena, une belle italienne travaillant dans la mode et une femme de tête ainsi que Sébastien, réceptionniste de l’hôtel qui se plaît à scruter et examiner les clients qui eux, ne le remarque guère. Nous savons que le « couple » est impliqué dès la quatrième de couverture. Reste à connaître le motif.

 

Ce premier roman est comme une petite mignardise, il se lit vite (peut être trop vite) et le registre recherché donne une saveur à un sujet devenu presque trop banal. Nous vivons à travers les personnages des analyses comportementalistes, réfléchissons à nos envies et nos pulsions, nous interrogeons sur l’amour et ses raisons. Car si le meurtrier cache son identité tout comme un modèle peint par Magritte, caché sous des voiles et tissus, nous apprenons éventuellement qui il est et pouvons apprécier la satire davantage de par sa vision. Le langage utilisé est exquis et la fin très inattendue. On en vient à se demander, parmi tous ces personnages, qui est vraiment le plus tourmenté ? Qui est vraiment le plus à blâmer ? Car nous avons tous nos petits secrets et rêvons, comme Sébastien, d’imaginer la vie des personnes que nous rencontrons, de voir ce qui adviendrait si on pouvait changer le cours des choses et orienter quelque peu le hasard, autre thème récurrent du roman.

L’assassin à la pomme verte est donc un polar exquis qui se déroule principalement dans l’hôtel du Paradise et qui se fait obscur pour mieux se dévoiler.

 

Ci-dessous, mes extraits favoris :

 

(par Elena) :

« Il n’a pas pu s’empêcher de m’expliquer qu’il se déplaçait dans le monde entier. Je me suis demandé s’il allait m’infliger quelques-unes de ses anecdotes bien rodées de grand voyageur. Ceux qui parcourent le monde restent partout à sa lisière et leurs récits n’amusent qu’eux-mêmes. Par bonheur, il a su tenir sa langue. Seuls me dépaysent les voyages imaginaires que je lis à mes enfants ou que j’invente avec eux. »

 

(par Craig) :

« Je me méfie de l’humanité des hôtels, de même que les lieux de passage m’inspirent un certain malaise.
A l’hôtel, je me lève plus tôt que chez moi. Il faut dire que tout vise à vous confisquer cette maigre part de confort que l’on vous vend si cher. Je suis toujours frappé par l’insistance avec laquelle on vous annonce, avant même de vous avoir montré votre chambre, l’heure à laquelle il faudra la quitter. »

 

 

(par Sébastien) :

« Le Paradise leur offre une vie fictive qui ressemble à l’existence réelle comme un aquarium aux fonds marins. Dans cette reconstitution illusoire, décorative et silencieuse, ils s’émeuvent avec une élégance native. Quand ils traversent le hall, on croyait voir des poissons exotiques glisser en cadence parmi les algues douces. »